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Pièges et promesses de l’élimination du carbone : les limites de la technologie BECCS

Sommaire

Introduction

Face à l’urgence climatique, la capture et le stockage du carbone ont gagné en visibilité dans les stratégies de décarbonation à l’échelle mondiale. Parmi elles, la technologie BECCS (bioénergie avec capture et stockage de dioxyde de carbone) a été abondamment promue comme solution aux émissions nettes négatives. Mais une nouvelle enquête de MIT Technology Review dévoile les complexités et les limitations de cette approche. L’article s’intéresse à la faisabilité de la BECCS dans le monde réel, en analysant les résultats de projets pilotes existants et les implications environnementales, économiques et politiques associées.

Qu'est-ce que la BECCS ?

BECCS combine deux techniques : la combustion de biomasse (matière organique végétale) pour produire de l’énergie, et la capture du dioxyde de carbone émis lors de la combustion, lequel est ensuite stocké sous terre. L’idée est d’obtenir un résultat carbone « négatif » : les plantes absorbent le CO₂ en poussant, puis ce carbone est capté et séquestré lors de la production d’énergie, empêchant ainsi son retour dans l’atmosphère.

Les défis techniques de la BECCS

Les premières installations BECCS à l’échelle commerciale révèlent plusieurs limites. Par exemple, l’usine Drax au Royaume-Uni, qui brûle des granulés de bois pour produire de l’électricité, prétend être un site pionnier du BECCS. Toutefois, les critiques soulignent que seul un faible pourcentage du CO₂ est actuellement capté. Les infrastructures nécessaires au transport et au stockage du CO₂ sont massives, coûteuses, et encore très fragmentaires.

Des experts cités par l’article expliquent également les inefficacités liées à la transformation de la biomasse, au rendement énergétique faible, et aux pertes de carbone durant les opérations de transport et de conversion. Autrement dit, la promesse selon laquelle BECCS amènerait des « émissions négatives » ambitieuses s’effondre lorsqu’on modélise son fonctionnement réel.

Les impacts écologiques et sociaux

Un autre problème concerne les effets secondaires environnementaux de la culture à grande échelle de biomasse. Planter de grandes quantités de plantes dédiées à l’énergie (comme le maïs ou l’eucalyptus) peut empiéter sur les surfaces agricoles, menacer la biodiversité et accentuer la déforestation. Le cas de l’usine de Drax illustre cela : les granulés de bois proviennent pour une bonne partie de forêts nord-américaines naturelles ou semi-naturelles.

La demande en terres agricoles biodédiées pose également une question sociale cruciale, notamment dans les pays du Sud, où des programmes BECCS expérimentalement soutenus par les pays riches pourraient entraîner l’accaparement des terres et nuire aux économies vivrières locales.

BECCS face aux alternatives naturelles

L’article compare la BECCS à d’autres méthodes de séquestration du carbone, comme la reforestation, la régénération des sols, ou la conservation des écosystèmes. Ces options naturelles s’avèrent souvent plus efficaces en termes de coût, de bénéfices écosystémiques et d’acceptabilité locale.

En outre, les méthodes naturelles jouissent d’une transparence et d’une métrique de suivi plus claires que les résultats complexes de la BECCS, très dépendants de modèles et d’hypothèses techniques.

La viabilité économique de la BECCS

La mise en œuvre d’un système BECCS rentable nécessite des subventions importantes, une infrastructure conséquente et des systèmes de crédits carbone robustes. Mais l’article révèle que de nombreux projets BECCS n’atteignent pas leurs objectifs et que les coûts sont souvent dissimulés ou sous-estimés.

L’entreprise Drax, par exemple, espère bénéficier de politiques publiques offrant des crédits carbone pour justifier ses investissements, bien que son système de capture de CO₂ ne soit pas pleinement opérationnel. Des critiques mettent en garde contre le risque que la BECCS serve davantage à verdir des pratiques industrielles qu’à produire de véritables réductions d’émissions.

Réglementation et transparence des crédits carbone

Les crédits carbone générés via BECCS manquent souvent de transparence. Les mécanismes de certification ne tiennent pas toujours compte des émissions indirectes ni des fuites de carbone tout au long du cycle de vie de la biomasse. Résultat : des entreprises peuvent revendiquer des compensations carbone peu fiables, entretenant une illusion de neutralité.

Les appels à une régulation plus stricte, à une exigence de preuve des données de captage et de séquestration, ainsi qu’à l’intégration de suivis à long terme des sites de stockage, se multiplient dans la communauté scientifique et les ONG environnementales.

Conclusion

La technologie BECCS, bien qu’elle parte d’un concept vertueux, présente à ce jour de nombreuses limites. Sa mise en œuvre concrète pose des défis techniques majeurs, soulève des questions éthiques et sociales, et entre en compétition avec d’autres usages des terres. Devant ces constats, l’article conclut qu’il ne faut pas fonder les politiques climatiques sur des technologies encore incertaines. Au lieu de compter sur une solution technologique miracle, il serait plus judicieux de combiner des approches naturelles, de réduire directement les émissions à la source, et d’instaurer un cadre de comptabilité carbone plus rigoureux.

Thématique : Transition écologique & technologies climatiques

Sujet principal : Les défis de la technologie BECCS pour la capture et le stockage du carbone

Source : https://www.technologyreview.com/2025/10/16/1125794/carbon-removal-beccs-problems/